jeudi 3 janvier 2008

Un sergent-chef du 4° Régiment de Tirailleurs témoigne



J’étais alors sergent-chef au 4° Régiment de Tirailleurs stationné à Berrouaghia (Sud de Médéa) plus exactement en poste à Boghar. Le 14 mai 1962, je faisais parti d’un convoi léger qui rejoignait Alger par Blida- L’Arba- Fondouk – Maison Carrée. A midi, le convoi a fait une pause le long de la route après la traversée de la petite ville de Rivet. A l’issue, j’ai reçu l’ordre de poursuivre la marche en tête du convoi afin d’ouvrir la route jusqu’à Fondouk situé, à moins de 8 km du lieu de stationnement. Ma jeep avançait à une allure vive pour permettre aux véhicules suivants de prendre les distances de sûreté. J’amorçais la dernière ligne droite quand une scène peu coutumière se produisit l’espace d’un instant. Face à nous, à une centaine de mètres, une voiture civile vient de capoter dans le fossé dans le sens de la marche. A quelque vingt ou trente mètres derrière elle, un camion stationne au bord de la route dans le même sens que la voiture. Deux autochtones, en combinaison bleue, descendent prestement de la cabine et se précipitent vers la voiture accidentée. Ils sont armés d’un pistolet-mitrailleur. Surpris par notre présence soudaine, les deux compères s’engouffrent dans l’orangeraie en direction du nord. Forçant l’allure j’arrivai à hauteur de la voiture accidentée et donnai l’ordre à deux de mes hommes de pourchasser les fuyards qui avaient pris une forte avance. Pendant ce temps avec l’aide du chauffeur de la jeep nous tentions d’ouvrir les portières du véhicule accidenté afin de libérer les quatre militaires emprisonnés. Seul un sergent FSNA a pu sorti sans notre aide par la porte arrière droite (ou la vitre brisée) et se coucha dans le fossé. Le conducteur gisait, la tête sur le volant, apparemment sans vie. Alors que j’extirpais le sergent-chef assis à l'arrière gauche, le conducteur de la jeep en faisait autant avec le deuxième sergent-chef assis à l'avant droit. À cet instant, les premiers véhicules du convoi arrivaient à notre hauteur. Après un bref exposé des faits à l’officier présent, je me suis empressé de récupérer mes deux hommes toujours à la recherche des présumés terroristes. Ces derniers ont dû leur salut à la trop longue distance mise à leur profit.
Après le regroupement de mes hommes, qui m’a coûté en temps, j’ai vu l’ambulance de notre convoi prendre le chemin inverse en direction de Rivet alors que nous reprenions la route de Fondouk en formation de route. Le véhicule civil, vidé de ses occupants, à été abandonné dans l’état ainsi que le camion des fugitifs. J’en conclus rétrospectivement que les accidentés ont été pris en charge par notre médecin et évacués sur un hôpital d’Alger. De toute évidence ces militaires ont eu la vie sauve grâce à notre présence fortuite. Le conducteur, en fait un lieutenant, était-il encore vivant lors de notre intervention, je ne saurais l’affirmer ? Mais j’en doute ! J’ai privilégié ceux qui me paraissaient valides afin de ne pas les voir griller lors d’un incendie soudain de la voiture.
La suite de l’histoire appartient à ceux qui m’ont remplacé dans la poursuite de l’action car j’ai négligé de m’informer sur le sort des quatre victimes dont j’ignorais leur unité d’appartenance et à fortiori leur identité.
Alors comment ai-je su que ce fut le lieutenant Blanchard qui fut tué lors de cette action terroriste ? Un concours de circonstance m’apportera la réponse à mon questionnement.

à suivre: